Ces dernières semaines, trois “cyber-amis” m’ont exclu de leur page facebook. A vrai dire, je ne connaissais personnellement aucune des trois personnes, mais les motifs derrière leur exclusion me semblent intéressants et significatifs par rapport à certains usages de Facebook.
J’ai été d’abord exclu de la page de J.H. (un mois avant qu’elle ne disparaisse elle-même de Facebook), puis de celle de J-M K et enfin de la page d’A.C..
- J.H. a décidé que j’étais un “ami de Hezbollah” en se basant sur le principe que “celui qui critique mes amis est automatiquement l’ami de mes ennemis… et donc mon ennemi”. Elle m’a donc exclu en m’envoyant un message expéditif du style “salemlé 3a tes amis du Hezbollah”.
- J-M K., l’a fait après m’avoir courtoisement demandé – à travers un message personnel – de relever mon identité. En fait, il l’a fait une semaine de voyages successifs et rapprochés, et je n’avais pas eu le temps de lui répondre… A la fin de mon voyage, j’ai constaté qu’il m’avait exclu de sa page. Quelques semaines plus tard, j’ai découvert qu’il m’avait également exclu du “groupe de refléxion et d’action politique”, groupe auquel on m’avait invité et dont j’avais contribué à franciser le nom. Il a donc rejeté mon choix de l’anonymat (relatif) que j’ai suivi en m’inscrivant sur facebook pour ne pas verser dans l’étalage public du personnel. Je pense que l’anonymat est le seul moyen de “détourner” facebook de son usage premier et de l’utiliser comme une véritable plate-forme de discussion socio-politiques. Le motif de l’exclusion était clairement mon choix de l’anonymat. Et en quelque sorte, je le comprends puisque c’est une violation de “l’esprit” Facebook. Mais c’est justement la raison derrière mon choix! Mon pari était de m’effacer derrière des arguments pour que l’échange reste au niveau des idées.
- Quant au Professeur A. C., il m’a rappelé à deux reprises que mes commentaires n’étaient pas les bienvenues sur sa page. J’avoue qu’ils avaient tendance à être sarcastique par rapport à certains positionnement politiques. Et pourtant je m’étais gardé de faire des réflexions personnelles (alors que de son côté, il ne s’en était pas privé sur le mur d’un ami commun). Certains de mes commentaires constatais la dynamique derrière quelques réactions que j’y lisais; la section commentaire avait tendance à se transformer en caisse à résonance, en espace de surenchère où les émotions explosaient (au dépens des arguments) et où l’on pouvait diagnostiquer un syndrome de la Tourette (à chaque fois que le nom de Michel Aoun était prononcé, ou celui du Hezbollah). M. C. m’a répété à deux reprises qu’il ne voulait pas que j’écrive des commentaires – en me disant en ces mots – que c’était son mur et par conséquent il était libre de décider de ce qui pouvait y être affiché. Face à cette sommation de me taire, non accompagnée d’une menace d’exclusion, j’avais compris qu’il fallait que je me contente d’une lecture… silencieuse! Mais j’ai découvert cette semaine qu’il avait changé sa politique, et a finalement décidé de m’exclure sans autre forme de procès… alors même que je m’étais abstenu de tout commentaire!
En fait, je ne me serais pas permis de parler de ces trois pages/profils facebook si leur usage principal n’était pas politique. Car en cela, ils rejoignent l’usage principal que j’en fais. En outre, MM J-M. K. et A. C. envisagent explicitement Facebook comme une Agora, un espace ouvert de discussion politique. Or est-ce que l’on peut toujours parler d’Agora, d’espace de discussion, lorsque le désaccord est rejeté et lorsqu’on s’érige en arbitre d’une discussion à laquelle on participe (ou qu’on initie)? Certes, un espace de délibération peut être perturbé par la présence de participants “masqués” (par l’anonymat). Toutefois, si l’anonymat pose un risque considérable, il ne constitue pas pour autant une présomption nécessaire d’abus. Il faudrait encore qu’il soit constaté. Or je ne pense pas en avoir abusé.
Comment alors expliquer ces exclusions? Est-ce que cela illustre que la discussion politique au Liban s’assume et s’affirme aujourd’hui comme fragmentée, et qu’elle cherche surtout à réconforter les lignes de fractures (au lieu de chercher à les dépasser)? Dans cette perspective, on cherche à barricader les murs de facebook afin de préserver “son” groupe en lui assurant sécurité et de réconfort…