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Peut-on casser l’oligarchie quadripartite?

Posted by worriedlebanese on 25/07/2009

3434948018_78d2ef7c12Sous l’angle de la distribution et de l’exercice du pouvoir au Liban, la division Quatorze Mars/8 mars n’a pas beaucoup de sens. Sa seule pertinence semble se situer au niveau des alliances géopolitiques, mais également au niveau d’une partie de la base populaire qui y croit. Le pouvoir au Liban est partagé entre quatre réseaux clientélistes qui s’appuient sur de nombreuses ressources: financières, bancaires, institutionnelles, locales, étatiques, étrangères…

L’oligarchie quadripartite: les monopoles politiques en milieu musulman
Ces réseaux sont tous confessionnels: deux chiites, un druze et un sunnite. Trois d’entre eux s’appuient, au besoin, sur leurs armes. A cet égard, le Hezbollah est le plus convainquant, suivi par le PSP et puis Amal, comme l’ont démontré “les événements du 7 mai” 2008. Certe, les pressions géopolitiques les obligent à une rivalité, mais celle-ci restre exceptionnelle et circonscrite sur le plan local. D’ailleurs, même en période de crise extrême la collaboration entre ces quatre réseaux continue. Pour ne citer que quelques exemples: les versements au Conseil du Sud ont continué durant la période de démission non-acceptée des ministres d’Amal… les périmètres de sécurité du Hezbollah sont continuellement respectés… la force de police est “équitablement” partagée entres les différents réseaux… Chacun est satisfait de sa part, et s’accommode de la part de l’autre. Toutefois, cette “rivalité” appuyé par l’étranger à trois conséquences malheureuses: elle renforce la mobilisation communautaire, elle consolide les réseaux clientélistes et elle envenime les rapports entre les membres des trois principales communautés sur lesquels ces réseaux s’appuient.

Ces trois conséquences n’auraient pas pu être neutralisées ou affaiblies par les élections en 2005  (sous le signe de l’alliance) et en 2009 (sous le signe de la “compétition”)… Au contraire, elles les ont consacrés ou reconduits.

La compétition politique en milieu chrétien
Les Syriens ont soutenu l’oligarchie quadripartite dans sa conquête et son renforcement du pouvoir. Du côté chrétiens, seuls des réseaux confessionnel locaux ont été autorisés et soutenus. Depuis 2005, deux stratégies différentes s’offraient aux chrétiens pour intégrer le système politique libanais tel que: l’intégrer en tant que “juniors partner(s)” ou transformer l’oligarchie quadripartite en oligarchie pentapartite.
Le premier choix est celui que leur avait offert l’alliance quadripartite en 2005, et que la majorité des partis chrétiens avaient acceptés. Quant au second choix, c’est celui qu’une majorité d’électeurs chrétiens ont exprimé en conduisant au parlement un nouveau bloc partisan à base communautaire: celui du CPL, deuxième (ou troisième) plus grand bloc au Parlement. Mais ce calcul n’a pas marché, et le CPL n’a pas été associé au pouvoir parce que son intégration signifiait un rapetissement de la part des quatre autres. Et avant 2008, personne n’était prêt à ce sacrifice. Les choses ont changé en 2008, après l’accord de Doha, où l’alliance quadripartite a accepté de sacrifié une petite part de son pouvoir en associant trois partenaires chrétiens de manière plus franche, mais en tant que “junior partners”: le CPL, les Kataeb et les FL.
Les parts gouvernementales des quatre réseaux clientélistes ont été réduites, mais les règles de leur exercice du pouvoir n’ont pas changés. La distribution des ressources financières de l’Etat n’a pas changé.

Le véritable enjeu des élections en 2009
Alors que les médias et les acteurs politiques présentaient les élections parlementaires comme un combat entre deux coalitions opposées, il était évident que la véritable bataille se déroulait côté chrétien. Côté musulmans, quasiment tous les candidats véritablement soutenus par l’oligarchie quadripartite étaient sûr de gagner.  La compétition entre ses quatre piliers étaient minimes. Et tout gouvernement issus de ces élections allaient préserver la part de chaque pillier, quelque aient été les résultats.

Le véritable combat se déroulait ailleurs, entre les partenaires juniors de l’oligarchie quadripartites. L’électeur chrétien était sommé de faire un choix:

  • Soit renforcer le CPL pour l’imposer en tant que plein partenaire de l’Oligarchie quadripartite, et par là réintégrer le pouvoir en tant que communauté. Mais bon, ceci a échoué en 2005, pourquoi est-ce qu’elle aurait réussi en 2009? En outre, est-ce que cette intégration à l’oligarchie impliquerait la constitution d’un nouveau réseau clientéliste ou le renforcement de la logique de l’Etat face aux réseaux? On est en droit d’exprimer quelques doutes sur les capacités réformatrices du CPL… et sur sa capacité à combattre efficacement les autres partis (il leur ressemble à bien des égards).
  • Soit reconduire les équilibres actuels (avec l’élimination de certains notables “indépendants” et de quelques clients d’autres réseaux clientélistes confessionnel) et avoir à nouveaux quatre ou cinq partenaires juniors: le Courant Patriotique Libre, les Kataeb, les Forces Libanaises, Marada, le Parti National Liberal, qui pourront constituer ou reconstituer des petits réseaux clientélistes à l’image de Murr au Metn (et au sein de certaines direction au sein du ministère de l’intérieur…), de Frangieh à Zghorta (et aux alentours, ex: Batroun ou certain section de l’Université Libanaise au nord) et du duo Skaff-Fatouch à Zahlé du temps des Syriens… C’est ce que nous avons eu!

Existe-t-il une alternative ?
Un troisième choix, celui de casser l’oligarchie ne se présentait pas. D’ailleurs, comment pourrait-il s’opérer? L’oligarchie quadripartite est trop forte. Elle n’a même pas besoin d’être au gouvernement pour commander une partie de l’administration (comme on l’a vu durant l’année d’opposition de Rafic Hariri, ou durant les trois années d’opposition de Michel Murr ou durant les quatre années d’opposition de Suleiman Frangieh). Et comme elle commande les médias, c’est elle qui détermine les cadres d’analyse, les débats publics… On pouvait lire il y a quelques semaines un article très intéressant dans Akhbar qui essayait de convaincre les lecteurs que, dans une analyse gramscienne, Amal et Hezbollah sont comptés parmi les “faibles”, les “dominés”, c’est gros… mais pas plus que ce que nous abreuve Nahar et L’Orient…

2 Responses to “Peut-on casser l’oligarchie quadripartite?”

  1. Patrick said

    Congratulations on this terrific post.
    I really think your blog is one of the best Lebanese blogs if not the best.
    But I think your articles should reach a much wider audience.
    Why don’t you reveal your identity and publish opinion pieces in the local newspapers ?
    I know the flaws of the Lebanese press, but publishing an article in one newspaper does not mean endorsing its editorial stances.
    Do you live in Lebanon or abroad ? It would be of course preferable to remain anonymous if you live in Lebanon and work in the public sector, but having said that, I really think voices like yours should be heard out and loud. Today more than ever, Lebanon needs new and independent thinkers to speak out openly and forcefully.
    In any case, keep up the terrific work.
    Best

    • Thanks Patrick for these overwhelming compliments. I’m very flattered.
      The reason why I do not publish in the press are multiple and have little to do with anonymity. It’s more about opportunities and time! Some newspapers have chosen not to publish me. Others I haven’t tried yet, but was planning to this week. Unfortunately, I have yet to finish an academic article before tackling three articles destined to the press :
      – March XIV and its illusions
      – The thwarted pillar
      – A headless democracy
      I hope my postings will keep on living up to your expectations.
      cheers

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